Définir l’enveloppe initiale de développement, une étape incontournable de la recherche de cause incendie

La mission confiée aux investigateurs RCCI est de rechercher les causes et de comprendre les circonstances qui ont conduit à toutes les conséquences d’un incendie ou d’une explosion.

Sur la base de leurs conclusions, des responsabilités peuvent éventuellement être recherchées. C’est pourquoi, contrairement à un non spécialiste de l’incendie, un investigateur RCCI devra toujours être en mesure d’argumenter son analyse et de préciser les éléments qui lui ont permis de situer la zone de départ du feu. Cette zone, appelée zone d’origine de l’incendie, peut être plus ou moins étendue selon les cas.

Définir le premier volume dans lequel l’incendie s’est développé est alors la première des étapes qui permettront ensuite à l’investigateur RCCI de réaliser son analyse.

Une combustion généralement contrôlée par le comburant

Lorsqu’un incendie se développe dans un volume clos ou mi-clos tel qu’un bâtiment en super ou en infrastructure (parc de stationnement), une habitation, une chambre, ou des volumes plus restreints comme un véhicule automobile ou un tableau électrique par exemple, il est possible de définir une enveloppe physique à l’intérieur de laquelle l’incendie a pu se développer initialement. Il s’agit de l’enveloppe initiale de développement de l’incendie.

Il faut tout d’abord admettre que dans la grande majorité des cas, l’aménagement réalisé à l’intérieur des volumes précités, apporte à la combustion une quantité de combustible largement supérieure à la quantité de comburant disponible (air).

Par conséquent, la puissance produite par la combustion (et donc le flux thermique généré) est très largement conditionnée par la disponibilité de l’air et non par celle du combustible qui est déjà suffisamment présent dans la zone.

Lorsque l’enveloppe de développement d’un incendie n’est pas totalement étanche (ce qui est généralement le cas), il est essentiel de savoir distinguer les ouvertures par lesquelles les gaz peuvent s’introduire ou s’extraire.

Identifier la dynamique des fluides

Par convention, les orifices par lesquels l’air entre dans l’enveloppe de développement sont nommés « orifices d’admission ». Le débit d’air apporté à la combustion peut alors être très différent selon leur nature.

Très faible lorsqu’il se réalise par les fuites d’étanchéité existantes dans la construction (VMC, défaut d’étanchéités aux pourtours des menuiseries, gaines électriques, trouée dans les dalles, ventilation dans les véhicules, etc..), le débit peut se révéler beaucoup plus important lorsqu’il se réalise à travers des portes, des fenêtres, ou encore par les volets bas des systèmes de désenfumage.

Selon le même principe, les « orifices d’échappement », tels que des portes, des fenêtres, des exutoires, des volets hauts de désenfumage, ou encore les espaces créés par la ruine des éléments de construction (ex : effondrement de la toiture) permettent aux gaz de s’échapper par surpression hors du volume de l’enveloppe. Leur rôle est tout aussi important car il limite le débit des flux sortants et par répercussion, conditionnent la puissance générée par la combustion.

Lorsqu’un orifice s’ouvre ou se déstructure (brisure thermique des vitres par exemple), il modifie l’écoulement des flux dans des conditions qui sont dictées par la configuration de l’enveloppe de développement de l’incendie.

Durant chaque phase de l’évolution d’un feu, il est possible d’identifier une zone dans laquelle les surpressions et les dépressions créées par un moteur aéraulique (foyer d’incendie) s’équilibrent. Il s’agit du plan neutre qui va évoluer constamment au grès de l’évolution de la puissance de combustion et des différentes modifications de l’enveloppe de développement.

C’est pourquoi, un orifice en limite d’enveloppe (une fenêtre par exemple) peut revêtir plusieurs états qui différeront selon l’évolution des conditions aérauliques établies. Nous pouvons très schématiquement et à titre d’exemple les illustrer de la façon suivante :

  • l’orifice d’admission lorsque la fenêtre est située sous le plan neutre ;
  • l’orifice mixte lorsque le transfert de masse se réalise par la fenêtre (niveau du plan neutre);
  • et l’orifice d’échappement lorsque les fumées de l’incendie s’échappent par la totalité de la baie.

Bien sûr, ces exemples sont simplifiés et il existe une multitude de configurations qui se révèlent plus ou moins complexes.

Nous citerons le cas du vent de façade, qui créée une surpression sur la façade située face au vent et une dépression sur la façade située sous le vent. Cette situation permet à plusieurs ouvrants localisés sur le même niveau de revêtir des états différents selon leur exposition.

Il existe également l’effet cheminée qui se crée parfois dans les bâtiments disposant de nombreux étages (pas forcément des IGH dont la ventilation est souvent contrôlée) et qui est capable de modifier totalement la lecture des stigmates laissés par les fumées. Le plan de pression neutre du bâtiment (distinct du plan neutre du foyer d’incendie) peut alors être un élément à prendre en compte au moment de l’étude du sinistre.

Il est également nécessaire de préciser que les incendies revêtissent des comportements aérauliques différents au cours de leur développement. Ces changements d’état sont généralement conditionnés par les modifications successives de l’enveloppe de développement.

Déterminer les propriétés de l’enveloppe de développement

La propagation d’un incendie est fonction des obstacles qu’il rencontre lors de son développement.  Si nous prenons l’exemple d’un feu de chambre situé au rez-de-chaussée d’un pavillon, il est aisé de comprendre que la propagation de l’incendie à partir de la chambre peut se réaliser vers l’extérieur du pavillon si les fenêtres sont ouvertes et que la porte de chambre est fermée, et vers l’intérieur du pavillon si les fenêtres sont fermées et que la porte intérieure est ouverte.

C’est pourquoi, identifier la nature des différents éléments qui constituent la première enveloppe de développement de l‘incendie est essentiel pour comprendre les phases de développement d’un feu.

Cette analyse doit donc être réalisée dès le début des opérations d’expertise afin de pouvoir poser les bases physiques qui permettront ensuite à l’investigateur RCCI d’interpréter ses constatations.

Si nous considérons le précédent exemple, la chambre peut être construite de plusieurs façons. Les élévations peuvent être réalisées en brique plâtrière avec un plafond de bacula, et les menuiseries par une porte en chêne massif et des fenêtres en bois simple vitrage.  La rupture de confinement de cette première enveloppe de développement va donc forcément se réaliser en fonction des matériaux qui la composent.

Si avec un double vitrage identique, une fenêtre en PVC ruinera plus vite qu’une fenêtre en bois, il en est de même pour une cloison en plaque de plâtre (BA13) sur ossature métallique qui cédera avant une cloison de brique maçonnée, ou encore une porte isoplane qui brulera beaucoup plus vite qu’une porte en bois massif. Les cas sont nombreux !

Rechercher la zone d’origine à partir de l’enveloppe initiale de développement

Après avoir rétabli les qualités des éléments constitutifs de l’enveloppe, l’investigateur RCCI se doit ensuite de comprendre les différentes phases de développement de l’incendie en déchiffrant les ruptures des enveloppes successives de développement qui auront permis au feu de se propager à partir de son lieu de naissance.

Prenons l’exemple d’un incendie de combles dans lequel deux zones singulières ont été identifiées. La zone A très détruite avec le plancher en bois carbonisé jusqu’aux lambourdes et la zone B moins impactée thermiquement et dont la profondeur de carbonisation présente une inclinaison assez singulière.

Lorsque l’investigateur RCCI a défini l’enveloppe initiale de développement et qu’il a identifié la ou les zone(s) singulière(s) qui pourraient traduire le lieu de naissance de l’incendie, il discrimine les différentes zones d’origine supposées en prenant en compte les flux générés par le ou les foyer(s) d’incendie supposé (moteur aéraulique, transfert de masse, cul de sac aéraulique, etc..).

Dans l’exemple de ce feu de combles, l’investigateur a pu mettre en évidence que l’incendie s’est développé en deux phases.

Durant la première phase, le moteur aéraulique « b » a créé un transfert de masse au niveau de la porte de chambre et les flammes générées à cet endroit ont embrasé les combustibles situés dans la zone A.

Le moteur aéraulique « » a alors été créé par l’inflammation des combustibles situés dans cette zone. Situé à proximité de la trémie d’escaliers (orifice d’admission) et d’un velux resté partiellement ouvert (premier orifice d’échappement), le foyer « » a consommé presque intégralement l’air disponible dans l’enveloppe initiale de développement et a généré un cul de sac aéraulique dans la zone B. L’apport de comburant au foyer « b » s’est alors restreint et les dégradations thermiques de la zone B sont restées limitées.

Pour ce feu, la suite des investigations (dont des analyses menées en laboratoire) a montré qu’un échauffement anormal par effet joule s’est réalisé sur un bornier de raccordement situé à l’intérieur d’un tableau électrique qui était installé dans la zone B.

Il est nécessaire de préciser que l’emploi des outils de simulation numérique impose que les termes source soient déterminés objectivement et que tous les éléments constitutifs de l’enveloppe initiale de développement aient pu être identifiés.

De multiples facteurs à analyser conjointement

Dans le cadre de la recherche de cause incendie, il est nécessaire d’interpréter les traces laissées par l’incendie et de traduire les dégradations thermiques qui sont constatées sur les différents vestiges.

La maitrise des comportements physicochimiques des matériaux est alors imposée à l’investigateur RCCI qui prend par exemple en compte l’aménagement des combustibles dans l’espace, l’étendue des surfaces d’échange, la vitesse de propagation de la combustion en surface, les températures d’auto-inflammation et/ou de point éclair, les qualités de conductivité ou d’émissivité, la température de fusion des métaux ou encore la nature de leur oxydation, etc… Nous ne détaillerons pas ici l’ensemble de ces éléments, car chacun d’entre eux pourrait, à minima, faire l’objet d’un article.

Lorsque la zone d’origine et les phases de développement de l’incendie sont connues, la recherche des causes se poursuit afin de s’assurer que l’incendie n’a pas connu un développement anormal qui pourrait relever d’une non-conformité réglementaire et/ou normatives. L’analyse du cadre réglementaire est alors menée par l’investigateur RCCI.

En conclusion, il existe de multiples facteurs à analyser pour mener à bien une recherche de cause incendie mais comprendre le comportement de l’enveloppe initiale de développement constitue le socle de l’argumentaire technique qui permettra à l’investigateur RCCI, d’expliquer le développement de l’incendie et de dire pourquoi la zone la plus détruite thermiquement n’est pas forcément la zone d’origine de l’incendie.

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